Yrianne observa tranquillement la situation, comme elle en avait l’habitude lorsqu’elle était en présence de personnes d’autres races. Le statut neutre de sa race l’avait toujours menée à un semblant de parcimonie, il fallait prendre garde au caractère parfois incertain des étrangers. Parfaitement immobile, elle laissait son regard naturel, couleur d’ambre aux reflets surhumains, analyser chacune des actions qui étaient entreprises aux alentours. Un homme qui criait, une femme qui fuyait et surtout ce sentiment qu’il fallait agir. Oui, il y avait quelque chose de malsain là-dedans… Le hurlement de cet homme n’avait rien à voir avec celui d’un simple humain, elle y reconnu la nature d’un Sodel. La Balphom passa sa main sur la veste qui l’habillait alors, déboutonnant tranquillement son vêtement pour aller chercher quelque chose à l’intérieur. Elle avait toujours craint le froid, mais ce n’était pas la seule raison qui la poussait à être vêtue de cette façon. Le port discret de ses armes était une condition sine qua non de sa condition d’assassin. Son bras se tendit, armé à son extrémité d’un petit calibre. Elle tira à cinq reprises, touchant à chaque fois sa cible. L’homme-bête s’affala au sol… Voilà bien quelque chose qu’elle n’avait jamais vu, un véritable Sodel. Elle en avait déduit la nature à l’aide des récits qu’on ne lui avait fait, en vingt années de vie à Saint Bel, jamais son quotidien n’avait rencontré la présence d’une des ces engeances. Elle rangea paisiblement son arme après l’avoir rangée et s’avança dans la rue, sortant de l’ombre qui la cachait pour approcher de sa victime. Un jeune homme aux teint clair et à la carrure somme toute imposante. Elle s’accroupit à côté de lui avant de soudain comprendre son erreur, la respiration vibrante d’un animal se faisait entendre. Alors, la bête se redressa de toute sa hauteur, la saisissant à la gorge… Dans un instant elle serait morte, sans aucun doute. A moins que…
"Laisse-moi m’amuser avec elle…"
Le vent s’était soudain levée, fouettant les joues de la jeune Balphomm qui sentit la morsure du froid crisper ses muscles et agresser ses yeux. Alors, quelqu’un apparut, mais pas à la manière d’un des siens. Ce n’était pas d’invisibilité dont il était question mais bien de faculté élémentaire. Il ne fallut pas longtemps à Yrianne pour comprendre qu’il s’agissait d’une Neero. Encore une fois c’était plus par apprentissage que par réelle expérience qu’elle avait réussi à identifier l’espèce dont faisait parti cette inconnue. Ceux-ci avaient été repoussés en dehors de la ville bien des années auparavant, alors qu’elle n’était encore qu’une enfant. Observant du coin de l’œil la personne qui venait d’intervenir, elle put voir une jeune asiatique aux traits délicats. Le Sodel ne semblait pas la connaître et il réagit assez vivement en tournant la tête vers elle.
"Qu’est-ce que tu viens faire ?"
La fille de la nature s’approcha alors d’un pas lascif vers l’homme-bête et posa sur son biceps tendu une main délicate. Immédiatement une légère couche de givre apparut sur sa manche, et la Balphom put sentir le tressaillement du Sodel à travers la prise qu’il exerçait sur son cou. Il montra les crocs, l’air féroce, elle répondit par un léger sourire et approcha son visage du sien, obligée de se mettre sur la pointe des pieds pour cela… Il sembla bien à Yrianne qu’elle lévitait lorsqu’elle arriva enfin à déposer ses lèvres sur la joue du type qui la tenait toujours aussi bien. Elle lui murmura alors à l’oreille :
"Je suis venu pour m’amuser."
Doucement les doigts de la Neero approchèrent de la poigne qu’appliquait toujours le carnassier à sa proie, celle-ci se desserra légèrement. Alors l’asiatique s’élança dans de petites attentions orales à l’oreille de celui qu’elle tentait d’amadouer. Une tentative qui porta ses fruits puisque la Balphom put bientôt respirer normalement, son poids retournant à ses appuis au sol et non à ses cervicales. Elle inspira longuement, sans perdre son calme et resta silencieuse, observant la scène avec attention. Elle arriva à lire quelques mots sur les lèvres de la fille de la nature, de toute évidence elle promettait à la bête d’être vengée. Mais bientôt le regard de la fille de l’Ombre se figea sur quelque chose d’autre… Au sol, ce qu’il restait des balles creuses qu’elle avait tiré un peu plus tôt. Le plus impressionnant étant le fait qu’elles semblent avoir été retirées d’un corps. Elle comprit alors son erreur. L’organisme de ce Sodel était assez puissant pour extirper de lui-même les morceaux de métal et le guérir de ses plaies. Elle resta hébétée jusqu’à ce qu’elle sente un mouvement, elle leva alors la tête vers le Sodel, celui-ci venait de faire volte-face et s’éloignait tranquillement, comme si rien ne s’était passé. A voir sa façon d’avancer, il tentait de retrouver la trace de la femme qu’il suivait un peu plus tôt.
Alors Yrianne reporta son attention sur la maîtresse de l’air. Celle-ci s’approcha d’un pas rapide vers elle, immédiatement la Balphom sentit une puissance glacée naître au creux de son ventre. Propulsée dans les airs par une poussée invisible, elle virevolta au hasard du vent, dès lors son assaillante la poursuivit dans sa progression aérienne. Sourire aux lèvres, la Neero appréciait le moment, semblant s’amuser follement à faire voler ainsi sa victime. Celle-ci tenait pourtant plus de la prédatrice que de la proie, et elle ne tarda pas à le démontrer. Calme comme la mort, la fille de l’Ombre tendit le bras vers le foie de son adversaire. La lame rétractable qui se trouvait dans sa manche s’extirpa alors pour venir se ficher dans les chairs de l’asiatique qui dès lors cessa de flotter dans les airs. Sombrant vers le sol à une vitesse de plus en plus inquiétante, la Balphom usa de sang froid pour se servir de son attaquante comme d’un bouclier. Lorsque l’impact eût lieux, l’être élémentaire était au bord de la mort.
Alors ils apparurent… Les membres de cette communauté grandiose, unis par leur mère la nature. Dans l’ancien quartier résidentiel de la ville venaient de se regrouper les Neeroo depuis trop longtemps bannis. Yrianne trouva tout juste le temps de fuir…
Ven 18 Déc - 11:36