Une fin d'après midi ordinaire.

Héloïse arriva enfin chez elle. Enfin, chez « eux ». Ca lui faisait bizarre, en y pensant. Elle ne s’était jamais sentie « chez elle » dans les diverses habitations qu’elle avait connues depuis que ses parents l’avaient éloignée, et là, ça c’était fait quasiment immédiatement. Elle ouvrit la porte, jeta son sac de cours dans l’entrée, cria un « je suis làààà » retentissant, et fila à la cuisine vérifier s’il y avait quelque chose à manger au frigo. Ouais, donc…. Pourquoi est-ce que la maison lui semblait bien à ce point ? Ce n’était pas la plus luxueuse de celles qu’elle avait habitées, ni la plus grande. D’accord, elle était bien placée, dans un petit village, à côté d’une forêt… Le top. Mais bon. Ca n’expliquait pas tout, si ? Les autres maisons avaient elles aussi été choisies par des Sodell, et convenaient parfaitement aux aspirations de ceux-ci en matière d’environnement immédiat. A moins que ce ne soit parce qu’elle avait été choisie par Lucid ? La blonde fronça le nez. Cette pensée sonnait bien trop « sentimental » à ses propres oreilles. Et ce n’était pas parce que le jeune homme battait tout ce qu’Héloïse avait connu en termes de relations qu’il fallait devenir émotive non plus ! Non non non, et non !

Bref.

Elle se servit deux tranches de rosbif, rajouta des raisins et se dirigea vers le jardin. Vu que son compagnon ne lui avait pas répondu, il se trouvait probablement dehors. Et sinon… Eh bien elle mangerait toute seule, là.

Le jardin en tous cas était un pure merveille : non clôturé, il rejoignait la forêt, et était envahi par des plantes sauvages qui donnaient au lieu un côté débridé plus qu’intéressant. Héloïse chercha Lucid des yeux sans le trouver, puis passa à l’odorat devant l’échec de son repérage visuel.

La nature, les Neeroo, voilà bien des choses qu’il supportait davantage que les séjours en ville. Il respirait enfin, installé depuis peu, il avait du mettre de l’ordre sous la direction de sa chère compagne qui avait, bien entendu, participé à l’exercice. Quand bien même l’endroit était-il spacieux, pour lui les intérieurs ne valaient pas les grands espaces. Ayant été élevé sur le domaine Ernst, il avait toujours eu une liberté de mouvement assez grande pour lui permettre d’accomplir bien des exercices. Lesquels il ne pouvait effectuer dans une bâtisse, soit à cause du peu de place qu’il y avait, soit de peur de détériorer l’endroit. Autant le dire, maintenant qu’il avait grandi, l’homme-bête était apte à briser une table à main nue, alors mieux valait qu’il ne dépense pas trop son énergie à l’intérieur d’une des pièces de la maison. Il avait très peu apprécié de devoir emménager, non parce qu’il n’aimait pas le village – au contraire, mais parce qu’il était obligé de rester à l’intérieur alors qu’il aurait pu être dehors. Mais il l’avait fait tout de même, pour elle, pour Héloïse. Celle-ci était un véritable changement dans sa vie, la première personne de son espèce à le considérer comme une personne intéressante. Alors qu’il était à Loonart, tout le monde le voyait comme le maigrelet, le faiblard qui n’arriverait à rien puisqu’il était trop faible pour se battre. Mais maintenant ça avait changé, bien qu’incapable d’égaler la force d’un Sodel adulte, il était loin d’être toujours le même maigrichon. Il avait pris des formes, sans pour autant avoir prit trop de volume, aux yeux d’un humain il restait quelqu’un de svelte, à l’apparence athlétique. Une chose qui changeait bien vite lorsqu’il contractait ses muscles, lesquels semblaient être apte à prendre le double de leur volume en quelques secondes. Une chose qui impressionné ceux des autres races, mais qui pour les adultes de la sienne n’était que la preuve d’un bon développement physique. Et c’était ce développement qu’en cet instant le jeune homme était en train d’optimiser. Il s’était éloigné des habitations pour ne pas incommodé ses voisins Neeroo, et était allé vers la forêt. Là, à l’orée des bois, il s’était trouvé une zone d’entraînement parfaitement acceptable. Et autant le dire, son objectif était assez visible : le jeune homme tentait d’augmenter sa vitesse d’attaque. C’était donc en agitant ses bras et ses jambes dans les airs en des élans qui, sans être esthétiques, montraient toute l’étendue de sa puissance. Certain des assauts qu’il lançait avec ses jambes l’emportant petit à petit en l’air, son autre pied soulevé du sol par le tissu de son pantalon qui se tendait. Et encore, il n’employait pas toute sa force de frappe… Ce qu’il commença à faire cependant au bout d’un moment pour se rendre compte d’une chose assez effrayante. Ses assauts étaient si puissant, qu’il était incapable de garder un équilibre descend après les avoir pratiqué. Cherchant la solution de ce souci qui risquait de lui coûter une victoire au combat – un évènement qui pouvait arrivé à tout instant – il s’évertua à trouver la meilleure façon d’attaquer sans pour autant perdre la possibilité de se défendre ou d’attaquer de nouveau. Dans un spectacle pitoyable, il se retrouva au sol bien souvent, trouvant toujours par terre la force de se relever pour effectuer de nouveaux enchaînements. Comprenant bien vite qu’il risquait de tâcher son T-shirt blanc en tombant dans l’herbe, et connaissant aujourd’hui la difficulté de retirer des tâches depuis que sa compagne lui avait intimé la conviction qu’il ne devait pas être tâché pour ne pas se faire remarquer, il enleva bientôt son haut, dévoilant un torse couvert de muscles et marqué de quelques marques de griffes et de crocs. Il entama alors une plus longue série d’exercices, lesquels biens souvent se soldaient par un échec… Jusqu’à ce que quelqu’un approche, une jeune Neero qui devait avoir un ou deux ans de moins que lui et qui était habillée de façon assez légère, à la manière d’Héloïse. Réticent au début de la rencontre, le jeune homme se laissa amadouer par l’étrange faculté qu’avait la fille de la nature à accomplir des mouvements gracieux et équilibrés quand bien même elle quittait le sol en les effectuant. Fronçant les sourcils, il tenta de trouver dans ses mouvements la clef de son problème, mais rien à y faire, il ne comprenait pas. Alors, il accepta de lui parler et petit à petit reçu d’elle quelques conseils quant au moyen d’utiliser toute son agilité de Sodel… Lorsque sa compagne arriva, guidée par l’odeur de sudation, elle le trouva en train d’effectuer un enchaînement de coups de pieds sous l’œil observateur de sa nouvelle rencontre. Laquelle, sans que le Sodel ait rien compris à son manège, semblait bien intéressé par l’apprenti guerrier étant donné la façon dont elle observait les gouttes de sueur qui perlaient sur son torse plutôt que de regarder sa posture.

Héloïse se laissa guider par l’odeur familière du jeune Sodel. Visiblement, il avait retourner s’entraîner à la lisière de la forêt, comme il en avait pris l’habitude.
Quelques instants plus tard, elle fronça les sourcils : il y avait une odeur étrangère mêlée à celle de Lucid. Une odeur indéniablement féminine. La renarde pressa le pas avec agacement.

Quand elle arriva dans la zone choisie par Lucid pour son entraînement cependant, elle ralentit, pour arriver nonchalamment, et avec le sourire s’il vous plaît, vers les deux jeunes gens. Elle fit un hypocrite signe de tête à la Neero, et se plaça dans le champ de vision de Lucid pour lui faire un « coucou ». Puis, elle se tourna vers la jeune femme et la détailla soigneusement, sans cesser de sourire. Cependant, si son visage était avenant au possible, ses yeux avaient pris la dureté du granit. Elle prit note que la jeune femme était plus grande qu’elle, élancée, châtain aux yeux clairs… Ravissante.

Et merde.

- Salut, je suis Héloïse. J’habite avec Lucid. Et toi, tu es ?

C’était tout ce qu’elle avait trouvé à dire. Sinon, ç’aurait plutôt été « dégage pouffiasse », mais ça pouvait attendre de voir ce que l’inconnue avait à dire. Si elle voulait juste admirer la marchandise, ça pouvait se driver. Toucher, par contre …

Alors que le jeune homme observait toujours le plus strict respect des consignes qu’on lui avait donné pour envoyer des coups de pied avec toute sa puissance sans pour autant perdre l’équilibre qui lui permettrait d’envoyer le suivant, il sentit une odeur familière. Une odeur qu’il identifia bien avant que sa compagne ne vienne rejoindre le binôme qu’il avait formé dans le but d’être lui-même formé au combat. Elle avait remarqué qu’il était en présence d’une autre jeune fille qu’elle, mais il ne pensait pas que ça poserait problème. Il était trop concentré son exercice pour se rendre compte de l’intérêt que lui porter la fille de la nature qui était venu lui apporter quelques conseils. C’était donc toujours avec la même dextérité qu’il lançait des coups de pieds en série tout en gardant bien attentivement son talon au sol, comme si celui-ci était le socle du pilier qu’était sa jambe d’appuie, laquelle ne devait bouger que pour amortir sur son appuie tout l’effet du coup qu’il lançait. La sueur coulait toujours sur une peau tendue sous l’effet de ses muscles bandés. Il était en plein effort physique, la tension musculaire initiée par chacun de ses coups s’ajoutant à celle des précédents. Il commença à trembler, sa gorge rougissant légèrement sous l’effort. Il serra les dents, carrant la mâchoire et lança encore deux ou trois assauts avant de reposer la jambe au sol, gardant la plante des pieds bien en contact avec le sol et respirant à fond en espérant ne pas se mettre à tituber… Pas question de montrer un instant de faiblesse à une inconnue. Il tourna bientôt les yeux vers sa compagne et lui fit un grand sourire alors qu’elle lui faisait un petit signe… Puis il remarqua l’échange avec la Neero. Celle-ci ne planta pas son regard dans celui de la renarde, un bon réflexe, mais son attitude n’en démordait pas un certain orgueil. Elle bomba la poitrine et afficha un sourire qui mettait en valeur ses lèvres pulpeuses. Elle ne provoquait pas la Sodel mais ne lui laissait pas pour autant le loisir de lui passer devant trop facilement. La fille de la nature lança alors, usant du prénom du jeune homme qu’elle venait d’apprendre par hasard :

"Je vais y aller… Au plaisir de te revoir "Lucid", je te laisse avec ta…" Elle sembla chercher un mot puis lâcha d’un ton presque moqueur que ne saisit pas le mâle : "…colocataire." Alors, la Neero s’éloigna.

Héloïse regarda s’éloigner la Neero jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Elle sentait son cœur battre trop vite, ses mains trembler de… rage ? Tout ça parce que cette… garce avait approché Lucid ?? Ca devenait décidément trop prenant, cette affaire. Sans se retourner vers son compagnon, elle demanda, d’une voix frémissante :

- Elle te voulait quoi ?

Mais avant que Lucid ait pu répondre, elle leva la main en un geste impératif.

- Non, oublie. Je m’en fous, en fait. Tu crois qu’elle compte re… … Oublie aussi.

La renarde repoussa avec agacement une mèche qui lui chatouillait le nez. Elle avait deux raisons d’être énervée : d’abord, l’attitude de l’autre fille. Elle n’avait pas été jusqu’à la provoquer, mais… Tout juste. Et, pour un temps au moins, cet endroit était son territoire. Elle choisissait avec qui le partager… ou pas. Et oui, pour autant qu’elle puisse en juger, Lucid faisait partie de ce territoire. Et ça, c’était la seconde raison d’être énervée. Depuis quand les garçons prenaient-ils une si grande place dans sa vie ? Elle se tourna a demi pour observer le jeune homme, le détaillant sans vergogne de haut en bas, de son visage dur à ses jambes musclées, en passant par son torse couturé de cicatrices. Elle ressentit un tel besoin de lui à ce moment là, qu’un grognement franchit ses lèvres.

Paniquée, elle recula. Non, non non. Elle était bien d’accord pour dire que son peuple était basé sur l’instinct, et que ça les rendait plus forts. Mais elle ne tenait pas à se laisser régir uniquement par ça, ça ne lui ressemblait absolument pas. Elle fit encore quelques pas en arrière, puis respira lentement, et dit, d’une voix presque normale :

- Je vais… courir un peu. J’ai été coincée au bahut toute la sainte journée, j’ai des fourmis dans les jambes. M’attends pas pour manger. Salut.

Sans le regarder plus, elle s’éloigna à longues foulées souples.

Hell était énervée… Ca n’était pas bon, les choses se passaient toujours mal lorsque Hell était énervé. Quand bien même le jeune homme n’était-il pas intelligent, quand bien même au début avait-il cru, en la voyant, qu’elle était inoffensive, il savait que ça n’était pas le cas. Habitué au caractère de feu des Ernst, il avait toujours vu dans la colère un danger, le danger de prendre un coup alors que l’être qui était face à lui extériorisait sa rage à grande démonstration de force et de violence. C’était l’aspect furieux de la chose qui l’avait toujours impressionné et qui l’avait toujours amené à la méfiance. Mais avec elle ça avait été différent, oui, bien différent ! Il n’était pas question de rage soudaine et incontrôlée, non, sa colère était froide comme un serpent et tout aussi venimeuse… Fourbe comme un renard et, quelle coïncidence, c’était là justement l’animal dont elle était le plus proche en tant que Sodel. Etrangement, dès que quelque chose contrarier la jeune L’Abbé, une catastrophe se déclencher de manière apparemment spontanée. Il avait bien fallu deux ou trois essais avant que l’esprit assez lent de Lucid ne fasse le rapprochement entre l’un et l’autre fait… Alors il apprit à connaître le caractère parfois tacite du sentiment de rage. Il savait ce que signifiait l’envie soudaine de solitude de la Sodel. Elle allait ressasser sa rancœur encore et encore jusqu’à ce que ça devienne intolérable et qu’elle trouve le meilleur moyen de se venger. Et par meilleur il fallait comprendre humiliant et gore… Alors le jeune homme ne se laissa pas prendre une nouvelle fois à ce petit jeu, quand bien même elle lui proposait de manger dans peu de temps ce qui n’aurait pas été pour lui déplaire. Il fit un bond fulgurant vers elle, puis la suivit dans sa course.

"On s’entraînait, elle m’apprenait à garder l’équilibre malgré ma force."

L’avantage d’être un Sodel, la course à cette allure n’entamait pas son endurance ce qui lui permettait de s’adresser à elle à peu près correctement, sa respiration étant à peine accélérée.

"Je sais que tu es en colère, et on sait ce qui est bon lorsqu’on est en colère."

Il passa brusquement devant elle et souleva la jeune femme du sol pour l’empêcher de poursuivre sa course, alors tout en la regardant droit dans les yeux il ajouta quelque chose d’une voix rauque, déformée par le désir qu’il avait pour elle… Autant le dire, les arbres aux alentours donner à ce lieu des aspects de cadre parfait de reproduction. Sur un lit de mousse, à l’ombre des arbres, ça serait grandiose à n’en pas douter.

"Je te laisserai être au dessus…"

Héloïse crispa la mâchoire quand Lucid la dépassa, se trouvant à deux doigts de lui en coller une. D’accord, ç’aurait été vraiment en pure perte au vu de leurs forces respectives, mais au moins, ça aurait eu l’avantage de la calmer. La jeune renarde ne le fit pas, parce que bien que supposant que son compagnon ne la frapperait pas… Avec ses réflexes tout était possible.
Soudain, le jeune homme se trouva devant elle, la soulevant de sol et, avant qu’elle ait pu éclater en imprécations ou quoi que ce soit du genre, lui fit une proposition qui fit à la Sodel l’effet d’un coup au plexus.
Elle sentit les muscles de ses épaules se détendre quasi instantanément, l’étau de sa poitrine se desserrer et son esprit sortir des brumes de la colère pour passer en mode « rouge passion ». Elle hocha la tête lentement pour marquer son accord, se coula entre les bras de son amant pour se retrouver pendue à son cou, et l’embrassa avec tant de précipitation que leurs dents s’entrechoquèrent. Elle rompit le baiser au bout de quelques instants, mordit de manière presque douloureuse l’oreille de Lucid, et murmura :

- Maintenant, ou j’explose sur place.


Héloïse reprenait son souffle. L’amour avec un Sodel du genre de Lucid, c’est définitivement du sport… Mais elle se sentait bien, rompue juste là où il fallait, juste comme il le fallait. Par-fait. Elle ne se remit à penser que lentement, et ses sourcils se froncèrent alors légèrement.
Est-ce que, par hasard, son compagnon lui aurait proposé leur petit interlude forestier pour la calmer ?
Est-ce que, par hasard, Lucid la manipulait ???
Elle réfléchit. Oui, il lui revenait quelques fois où elle avait été « calmée » de cette manière par son compagnon. Mais comme ils n’étaient pas abstinents d’habitude, elle n’avait pas réalisé la chose…
Un rien agacée, elle se tourna vers Lucid pour lui poser directement la question, mais celle-ci mourut sur ses lèvres en croisant le regard de celui-ci.

Tant que le jeune homme restait comme ça… Elle pouvait supporter qu’il ait compris une partie de son fonctionnement, et même… Même d’être parfois un peu manipulée.

Définitivement, elle était foutue.

Le Sodel grogna avec force alors qu’elle était au dessus de lui, lui offrant des sensations bien trop fortes pour qu’elles restent au fond de son cœur et ne sorte pas par sa gorge. Puis le plaisir, à son apogée, redescendit après qu’il eut laissé libre cours à ses envies de communion corporelle. Son corps, nu, était couvert d’une fine pellicule de sueur que les cieux faisaient luire de petits reflets orangés… Autant être clair, ils avaient passé un certain temps à s’ébattre sur le sol, dans les feuilles, contre les arbres, dans cette atmosphère presque enchantée que leur prodiguer ce cocon forestier où l’intensité de leur union avait fait trembler le sol. Maintenant, la tension du jeune homme redescendait légèrement, il était moins vif et c’était propice à la délicatesse. Un des rares instants où il se montrait véritablement doux, doux comme aurait pu l’être un humain assez rustre. Ce qui avait des allures d’hypersensibilité sur l’échelle d’un Sodel. Il la regardait tranquillement, comme si elle représentait tout ce qu’il était et tout ce qu’il voulait être… Un couple… Une famille… Une meute. Doucement il lui griffa la nuque, comme il en avait pris l’habitude après qu’elle l’ait emmené jusqu’à l’extase plus d’une fois. Dans les premiers temps, le jeune homme n’avait pas été un amant exemplaire en terme de plaisir, il gardait trop en tête l’aspect reproductif de la chose pour poursuivre après sa jouissance et celle-ci n’arrivait généralement que quelques minutes après l’entame de leur relation. Une chose n’avait pas changé, les préliminaires n’existaient pas entre eux et il s’était déjà posé la question de savoir si certains membres de sa race prenaient attention à ces choses qui semblaient tant émerveillé les humains et plus encore les Roguerr… Il en doutait, lui-même n’y voyait aucun intérêt, les sensations étaient différentes mais pas plus plaisantes. Non, loin de là, et puis il n’aurait pas l’espoir d’agrandir la famille de cette façon. Aujourd’hui, et pas sans avoir été poussé sur cette voix par la renarde, il était bien plus attentif à sa partenaire et avait trouvé une nouvelle force dans leurs ébats. Il ne se contentait plus d’une seule extase durant le rapport, il poursuivait au-delà à force d’endurance surhumaine… Le faire agir outre son instinct de reproducteur n’avait pas été aisé, mais elle l’avait convaincu d’une simple phrase. "On a plus de chance de réussir lorsqu’on essaie plus d’une fois." Et bien que leur union n’ait pour le moment pas laissé profiler de descendance, il avait toujours suivi cette règle. De fait, aujourd’hui ils pouvaient poursuivre leur joyeuse communion durant un certain temps. Elle décolla la tête de son poitrail et le regarda droit dans les yeux, comme si elle allait lui dire quelque chose, mais elle s’abstint. Alors le Sodel lui sourit doucement tout en continuant de torturer délicieusement sa nuque. A ses yeux il ne la manipulait pas, il préservait juste les environs d’un cataclysme. Ce qu’il ne faisait pas vraiment par gentillesse mais plutôt par respect du passé. Combien de fois sa mère lui avait-elle raconté l’histoire de leur clan ? Une meute broyée par l’envie de sang, des Sodell qui s’étaient entretués par simple goût de la violence et dont il ne restait plus qu’une enfant, sa mère… Puis, aujourd’hui, lui… Un massacre qui avait eu lieu aux abords d’un village de Neeroo, des êtres qui avaient étés pacifiques avec les hommes-bêtes pour se protéger sans les agresser. Ce qui démontrait aussi une certaine forme de puissance.

"On devrait rentrer à la maison, non ?"

Puis soudain il écarquilla les yeux… Voilà maintenant quelques jours qu’elle était rentrée en cours et il ne l’avait pratiquement jamais entendu parler de l’endroit. Un lieu qu’il détestait tant il représentait l’union des humains et des Roguerr, deux races qu’il abhorrait par-dessus toutes. Mais si elle ne s’était jamais confiée à lui quant à ses journées là-bas, c’était sans doute parce qu’il y avait un problème. Repus de violence et de sexe, il avait à présent l’esprit totalement tourné sur ce détail. La jeune fille comme à chaque fois revenait des cours. Il fronça alors les sourcils et l’allongea à côté de lui.

"Mais avant ça, dis-moi comment c’est passée ta journée."

Tout en parlant il vint doucement l’embrasser dans le cou puis descendit un peu plus bas, torturant du bout des dents une parti sensible du corps de la jeune femme… Une chose qu’il adorait faire pour une simple et bonne raison : ça avait tendance à réveiller chez elle de la violence. Et s’il y avait bien une chose qu’il aurait pu reprocher à sa compagne, c’était de ne pas être assez spontané au niveau de la brutalité… Ce qu’il voyait d’un assez mauvais œil chez une Sodel, c’était malsain à son avis.

Héloïse avait laissé tomber ses interrogations métaphysiques. Elle adorait ces moments là, où après avoir fait résonner l’air ambiant des leurs grondements de plaisir, ils se reposaient ensemble, sans parler, profitant simplement de la redescente d’adrénaline consécutive à leurs ébats, et au final, tant pis, elle réfléchirait une autre fois. Lucid sortit de son mutisme pour lui suggérer de rentrer… Voilà qui pourrait être une bonne idée. Elle commençait vraiment à avoir faim, et elle ne savait plus trop où les victuailles qu’elle avait amenées pouvaient bien se trouver… Probablement éparpillées par les animaux du coin.
Mais avant qu’elle ait pu donner son approbation, Lucid sembla penser à quelque chose. Il la fit rouler sur le côté, et lui demanda -enfin- comment s’était passé sa journée. Elle eut un sourire satisfait. Il lui faudrait probablement encore bien des semaines, mais elle finirait par apprivoiser le Sodel doberman. L’instinct territorial et protecteur de celui-ci l’aiderait probablement dans cette tâche.

Bien sûr, « apprivoiser » ne voulait pas dire « domestiquer », Lucid était très bien comme il était, merci.

Elle était en train de réfléchir sur la réponse qu’elle pouvait apporter à son compagnon -quelque chose d’intéressant bien sûr, parce qu’elle doutait fortement que le récit d’heures de cours toutes plus emmerdantes les unes que les autres l’intéresse- quand celui-ci entreprit de la déconcentrer en l’embrassant dans le cou, puis d’accentuer son trouble en lui mordant doucement les seins.

Elle s’arqua légèrement sous la caresse, posant sa main sur la tête du jeune homme pour accentuer le contact entre eux deux, puis tenta de répondre à la question malgré tout, appréciant la sensation de devoir lutter pour répondre de manière cohérente.

- Je me suis levée de mauvais poil… Les cours ont été longs, et ennuyeux… J’ai cru devenir folle, avec ce temps et ce soleil, coincée avec trente débiles presque huit heures…

Elle se tendit sous une morsure plus aiguë que les autres, crispant ses doigts sur les cheveux de Lucid, les lui tirant légèrement sans toutefois l’interrompre. Devait-elle parler de la Neero à son compagnon ? Il avait l’air de tolérer cette race sans trop de prise de tête, mais bon, comment savoir exactement, avec lui… Il était relativement discret sur son vécu, ayant passé des pans entiers de sa vie sous silence. Héloïse, bien que curieuse, n’avait pas insisté, espérant que son apparent manque d’intérêt incite son compagnon à l’être autant qu’elle… Quand ils s’étaient rencontrés il y a quelques mois en effet, si Héloïse avait exprimé le fond de sa pensée -s’amuser, bourlinguer, toujours être en mouvement- peut-être que Lucid et elle n’auraient pas voyagé longtemps ensemble…

Donc. Neero ou pas Neero ?

Allez, soyons fous : Neero.

- J’ai discuté avec une fille, aujourd’hui. Un peu bizarre, mais sympa. Elle s’appelle Velhina.

La renarde tira lentement la tête de Lucid en arrière.

- C’est une Neero, si ça t’intéresse de le savoir.

Lucid écouta les paroles de la jeune femme avec attention, s’il y avait bien une qualité qu’on pouvait lui connaître, c’était d’être à l’écoute. Il n’était pas sociable avec tout le monde… Non, soyons sincères, il ne l’était avec personne sauf avec sa présente compagne. Néanmoins, bien que ce ne fût qu’avec elle, on pouvait le félicitait d’être à ce point attentif. Il voulait qu’elle se sente bien, pas sans lui demander parfois de faire des concessions puisqu’il restait tout de même assez dominant dans l’ensemble, et lorsqu’elle voulait parler il ne l’en privait pas. Il connaissait plus d’un de ses frères de races, féminins comme masculins, qui n’auraient jamais supporté de devoir affronter le récit banal d’une journée de lycéenne. Mais lui n’était pas comme ça, il voulait être certain que tout aller bien pour pouvoir agir en conséquence. D’autant plus qu’il avait de bien mauvais souvenir des moments passés dans le lycée de Loonart. Un endroit où toutes les races se retrouvaient mêlées au bétail qu’était l’humanité. Il fallait se faire sa place, une chose impossible pour le membre d’une famille annexe. Les Ernst avaient parfois poussé l’affront jusqu’à l’humilier face à des types d’autres races. Mais c’était une époque qui datait déjà de deux ans, une éternité pour ce jeune canidé qui ne voyait bien souvent pas plus loin que son nez lorsqu’il était dans de bonnes dispositions pour avoir ce qu’il voulait : une meute. Oui, il voulait avoir son propre clan, sa propre famille. Certains esprits retors comme ceux des Roguerr auraient vu là le signe d’un égoïsme, le fait de vouloir dominer après avoir été dominé si longtemps. Mais ça n’était pas ça, et il fallait bien connaître ce Sodel pour s’en rendre compte. Il ne voulait pas flatter son orgueil ou affirmer sa virilité en agissant de la sorte. Il voulait juste s’assurer d’une chose : sa progéniture aurait toutes les prédispositions pour avoir une vie longue et remplie. Car s’il fallait bien savoir une chose sur le fait d’appartenir aux familles annexes, c’est que votre vie est alors réduite en comparaison de celle d’un membre de la meute principale. Ce qui signifie plus clairement qu’ils sont les premiers à mourir en temps de guerre une fois qu’ils sont assez évolués physiquement pour ne plus être protégés comme des enfants. Alors que la jeune femme le tirait par les cheveux, il se laissa aller à un esprit joueur tout en lui adressant un regard qui indiquait qu’il était toujours attentif à ses propos. Il tourna la tête alors qu’elle lui tenait toujours les cheveux et attrapa son poignet entre ses mâchoires. Il le mâchouilla légèrement, sans faire de mal, puis lui attrapa les poignets et la contraignit à avoir les bras plaqués au sol alors qu’elle lui parlait d’une Neero. Il lui adressa un petit sourire qui n’avait rien à voir avec la conversation et commença à la mordre dans le cou, allant à la jointure de l’épaule pour se permettre un peu plus de sauvagerie dans son jeu de crocs. Il murmura alors :

"Ca m’intéresse…"

Cette invitation à poursuivre son récit libéra les chairs de la jeune femme de ses dents, sa peau connut alors la délicatesse de ses lèvres et de sa langue. Doucement il poursuivit les caresses jusque plus bas, arrivant bientôt à son ventre. Il s’allongea alors à côté d’elle, sur le côté, contemplant ce ventre qui pouvait apporter la vie là où elle n’avait jamais existé. Lucid continua à suivre les paroles de la jeune femme, mais il apporta aussi un peu de son attention à cette partie du corps de la jeune femme. Il en caressa délicatement la surface puis y déposa quelques baisers.

Héloïse ferma les yeux un instant, la privation de ce sens lui permettant de mieux se concentrer sur les sensations alternées d'attouchements doux et rudes prodigués par son compagnon. Elle eut un léger sourire quand Lucid s'intéressa plus particulièrement à son ventre. D'abord, parce qu'elle était plutôt chatouilleuse. Ensuite... Parce qu'elle savait que cet endroit de son corps était probablement celui qui intéressait le plus le Sodel-doberman. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'elle était sans doute fertile, et que le rêve du jeune homme était de fonder sa meute. C'était amusant. Si on lui avait dit qu'elle aurait accepté presque sans regimber d'être une... reproductrice pour un type rencontré 8 mois plus tôt...
Mais bon, pour l'instant, toujours rien. Elle s'en était ouverte à sa mère, et celle-ci lui avait répondu qu'après avoir affirmé pendant si longtemps qu'elle ne s'attacherait à rien ni personne, son corps avait peut être du mal à suivre que maintenant, là, de suite, au final, il fallait faire un petit. Ou plusieurs. Héloïse avait alors commencé à expliquer que bon, ses idées n'avaient pas changé, mais que ça faisait plaisir à Lucid... Et le rire de sa mère l'avait interrompue, la faisant rougir de gêne.

La jeune fille secoua la tête, et s'efforça de répondre :

Donc, elle s'appelle Velhina, elle est jolie dans le genre « je me planque sous mes fringues »... Elle court vite... Oh ! Et on s'est faites virer du cours de... Flûte. De bio, je crois. On a bien-sûr été convoquées chez le proviseur, cette galère... (elle fronça les sourcils, comme si quelque chose lui échappait, et reprit) Et on a écopé d'heures de colle. Rien de transcendant. Et toi, à part faire du gringue aux Neeroo, tu as fait quoi ?

Il écouta la jeune femme tout en faisant de petits ronds du bout des doigts autour du nombril de la jeune femme, sa peau était douce et son corps était chaud. Il adorait le contact de leurs chairs, comme s’il y avait dans cette proximité quelque chose de grandiose. Pourtant ça n’était jamais que des corps, rien à voir avec l’honneur ou la sensation d’une bataille. C’était là la chose qui troublait le plus le jeune homme, jamais aucune fille, aucune femme, n’avait réussi à le subjuguer à ce point. Son corps n’était pas la seule chose qui lui plaisait, mais même s’il n’y avait eu que ça, comment aurait-il pu résister ? Etrangement, il avait déjà vu des Sodell avec plus de succès que la renarde et n’avait jamais été attiré de cette façon. Une façon électrisante, qui faisait se dresser ses poils dès qu’une décharge le parcourait. Et il fallait bien le dire, vivre avec Héloïse était parfois comme de vivre avec un orage, la colère qu’il venait d’entraver en était la preuve. Elle ne réagissait pas comme lui, elle n’éclatait pas tout de suite. Elle laissait tout d’abord l’air s’alourdir, la tension montait, et elle ne faisait de bruit qu’une fois ses éclairs lancés. Elle avait des manières assez éloignées de ceux de sa race, mais ça ne le dérangeait pas. Lui qui avait toujours eu beaucoup de mal avec les choses qui n’étaient pas "clairement Sodell", il s’étonnait de ne pas la trouver louche. Pire encore, il la trouvait charmante ! Mais d’une manière toute autre que physique. Il adorait la voir rire, la voir sourire, il aimait lorsqu’elle venait le toucher doucement quand tout aller bien, lorsqu’elle le saisissait avec le peu de force dont elle disposait lorsqu’il s’énervait. Il aimait son esprit, sa façon de voir les choses, son enthousiasme et toutes ses choses qu’elle faisait pour lui. Elle faisait tout pour qu’il n’ait pas d’ennuis, jusqu’alors la méthode de ses congénères avait toujours été "laisse le faire l’imbécile, il apprendra lorsqu’il souffrira". Elle dévoilait des qualités grandioses qui parfois semblaient de tout petit rien mais qui au final faisaient tout le charme de leur relation. Il sentit son sang accélérait dans ses veines lorsqu’elle lui indiqua qu’elle s’était faite virée d’un cours. Fronçant les sourcils, il pensa un instant à prendre la direction du lycée pour égorger l’imbécile qui avait osé lui faire un tel affront. Un affront qui risquait de la mettre en danger. Mais ça aurait été stupide que de prendre tout de suite les armes, si c’était un humain, il risquait d’attirer l’attention, si c’était un Roguer, il risquait de ne pas être de taille. Non, il leur fallait une meute, une véritable meute, forte de compétences martiales et d’un esprit de cohésion unique, pour faire face aux dangers que pouvaient receler cette ville.

"Je ne fais pas de gringue aux Neeroo… J’aurai peur de lui briser une hanche."

Il eût un petit rire. L’humour, il lui avait fallu du temps pour comprendre le concept, mais il devait avouer que c’était un stratagème à connaître. Sa blague rustre était loin d’égaler les grands noms du rire, ou même les gens assez doués pour ça, mais ça sous entendait qu’il avait des pensées légères. Ca n’était pas tout à fait le cas. Non, il n’avait pas peur de briser une hanche à une Neero. Mais perdre sa compagne… Risquer de la voir le quitter par jalousie ou se faire tuer en tentant d’assassiner une fille de la nature. Non, ça il ne le voulait pas. Mais en tant que mâle il se voyait mal admettre une telle chose. Il avait un souvenir de chef de meute : Logan Ernst. Un homme qui avait nombre de femelles, une bonne trentaine de fils, une dizaine de filles…

La blonde tourna la tête vers son compagnon : l'entendre rire était un régal, mais le voir rire était un spectacle dont elle ne se lassait pas. Son visage se décrispait, son air sérieux habituel laissait place à un regard pétillant et à un sourire plein de dents blanches et brillantes... Ça le rendait vraiment, complètement... craquant. Elle roula sur le côté pour se retrouver les genoux de part et d'autre des hanches du jeune homme, posa les mains sur le visage de celui-ci.

- J'aimerais... Que tu sois comme ça plus souvent... Tu perds dix ans. Tu ne serais pas moins impressionnant souriant, tu sais mon grand ?

Et ça aussi. C'était quoi cette manie de donner des surnoms presque mignons ? Elle devait même se retenir pour que « mon grand » soit le plus affectif à franchir ses lèvres. Ce garçon allait la rendre folle.
Elle eut un petit rire de gorge.
Il la rendrait peut être dingue, mais il ne serait pas dit qu'elle ne tenterait pas de le rendre dingue avant. Elle se pencha vers Lucid, l'embrassa doucement, lui murmurant un « pas bouger » tout doux, descendit embrasser la courbe des mâchoires volontaires, mordilla les clavicules, posa ses mains au niveau de la taille du jeune homme... Se releva d'un bond, en griffant les flancs du jeune homme et se mit à courir, en chantonnant :

- Le premier à la maison fait ce qu'il veut ce soir !

Elle le provoquait… Il détestait ça en général, il avait détesté ça une bonne partie de sa vie. Tous les jours qu’il avait passé à Loonart, toutes les fois où alors quelqu’un était venu l’humilier ou le provoquer, il n’avait pas eu le droit de se défendre. Lorsque c’était le membre d’une autre race, on lui demandait de ne rien faire pour faire subsister l’équilibre paisible qui était en vigueur, un équilibre que Logan pouvait mettre à sac dès qu’il en avait envie… Il se souvenait parfaitement cette période. Sa mère était alors la seule personne capable de le faire céder, et elle lui intimait tous les ordres qu’il aurait du suivre tacitement. Il était alors trop stupide pour comprendre ce qui était nécessaire à sa propre survie et bien trop indépendant pour le membre d’une meute annexe. Mais là, avec Héloïse, la provocation pouvait devenir un jeu, ce n’était pas une chose qu’il prenait au premier degré. Ca aussi c’était avec elle qu’il l’avait découvert, ne pas toujours prendre tout au pied de la lettre, accepter des choses vexantes juste pour détendre l’atmosphère. Le défi qu’elle lui lançait, si ça avait été une autre, il aurait prit ça pour une insulte, des mots qui signifiaient qu’il était incapable de courir vite. Mais avec elle c’était un jeu et il se demanda un instant s’il ne voulait pas la laisser gagner. Immobile, il la regarda s’enfuir à travers les arbres, son corps si délicat bougeant avec tant de vélocité. Ses pupilles se dilatèrent soudain, une proie de choix, oui, un défi à son instinct ! Ses dents se découvrirent d’elle-même, son teint commença à s’assombrir. Il devait la suivre, la poursuivre ! Ses mains tombèrent au sol avant de ne plus être que des pattes. Son visage s’allongea… Tout comme ses crocs. Un chien d’une taille supérieure à la normal, voilà ce qu’il était devenu. Le doberman s’élança d’un bond, la force de ses quatre pattes le propulsant brutalement vers l’avant, il manqua de percuter un arbre, s’élança sur le côté et entama un fou zigzag entre les troncs. Il sautait sans mal par-dessus les racines, l’entrelacs de ses muscles semblant plus aérien que jamais. Il la rattrapa en un rien de temps, guidé par son odeur plus que par la direction de la maison. Il se souvint d’un goût, un goût cuivré, plein de métal et d’odeur de guerre. Le goût du sang. Une exclamation sortie de sa gueule bestiale alors qu’il arrivait à la lisière de la forêt, elle était là, courant comme si sa vie en dépendait… Et n’était-ce pas le cas ? Elle était fragile, facile à atteindre, d’un simple coup de mâchoire il serait capable de l’égorger ou de lui briser la nuque. Il s’élança à toute allure vers elle, il serait bientôt assez proche pour la saisir, attraper entre ses crocs l’une de ses chevilles. Alors elle s’effondrerait au sol et il pourrait atteindre son cou, la privant de sa vie comme si elle n’en avait jamais possédé. Ca serait rapide, la douleur ne serait effective qu’un instant. Un hurlement se fit entendre alors que le jeune homme reprenait soudain forme humaine, son corps encore couvert de poils ras qui lui donnaient une peau presque noir. Il dépassa sa compagne et bondit jusqu’à la maison, arrivant sur le porche après un saut splendide et incroyable. Alors, Lucid lui lança un petit regard satisfait et passa la porte… Un sanglot secoua son buste musclé alors qu’il reprenait une forme entièrement humaine. Il avait été capable de jouer la comédie un court instant, juste le temps de lui faire croire qu’il avait agit ainsi pour gagner. Mais au fond de lui, il sentait un ombre drapait son cœur. Sa mère lui avait dit la vérité, comme ses grands-parents, comme ses oncles et tantes, au fond de lui sommeillait une folie qui n’avait rien à voir avec l’instinct d’un chasseur. Il n’était pas né pour attraper des proies. C’était un destin de guerrier qui l’attendait. Non, il ne voulait pas de ça, il ne voulait pas se laisser dominer par cette chose qu’il ne considérait même pas comme un instinct. Totalement nu, il quitta rapidement l’entrée. Il ne fallait pas qu’elle voit ses larmes, il ne fallait pas qu’elle se doute. Il ne fallait pas qu’elle puisse penser qu’il ait failli lui faire du mal. Il allait avoir une famille, rien ne pourrait gâcher ça ! Rapidement il alla jusqu’à la salle de bain et se passa la tête sous l’eau. Lorsqu’il entendit la porte s’ouvrir, il fit appel à tout ce qu’il avait d’animal en lui pour couvrir le bruit de sa détresse, la chose fut efficace.

"Déshabille toi avant que j’arrive ou je déchire tes vêtements !"

Le sexe, une échappatoire comme une autre.