Le garde et la renarde...

Le monde est-il aussi merdique qu’il en a l’air ? Des fois on peut se le demander, surtout lorsqu’on évolue au sein d’une société humaine. Marchant d’un pas pour le moins pressé dans l’agglomérat de rues humaines que formait le quartier Est de Saint Bel, Lucid n’était pas au mieux de sa forme. Il détestait vraiment l’ambiance qui régnait au sein de cette ville qui ne semblait pas connaître les siens. Il fendait la foule avec la hargne qui sied à sa race, ne manquant pas d’asséner quelques coups d’épaules aux malheureux qui seraient tentés de ne pas s’écarter devant sa marche. Il allait rejoindre sa chère et tendre dans le centre-ville, dans le lycée où elle poursuivait ses études. Depuis qu’elle lui avait annoncé sa grossesse, il était devenu plus protecteur que jamais n’acceptant à aucun moment de la laisser sans secours possible dans un lieu trop ouvert. Il considérait que le lycée, sans être un lieu où elle serait en sécurité, demeurait un endroit où les comportements violents n’avaient que rarement cours. En effet, on évitait toujours de mettre les humains au contact des facultés d’autres races, et les établissements scolaires étaient infestés de ces morceaux de viande ambulants.

Il écoutait malgré lui des bribes de conversations alentours, des gens qui parlaient de choses et d’autres, rien d’intéressant à ses yeux… Et tant de choses affligeantes. Des personnes qui réagissaient de façon puritaine face à des envies bien naturelles, d’autres qui se comportaient avec tout ce qu’il y a de plus contre-nature… Il y avait dans l’air quelque chose de perversion, l’humain et le Roguerr repoussaient sans cesse les bornes du concevable, ils allaient à l’encontre de tout ce que le monde aurait du être ou supporter. Il le savait et ne pouvait que le constater encore et encore. En cet instant même, alors qu’il était environné par le quotidien de tant d’individus sans importance, il comprenait à quel point ces gens pouvaient être inconscients de leur propre déchéance. Aussi accéléra-t-il rapidement le mouvement afin de s’extirper de ce contingent de nuisibles pour atteindre le lycée où étudier sa chère et tendre.

Héloïse mâchouillait son stylo avec agacement. Plus que 5 minutes... Adossée au mur, la tête contre la vitre, elle fixait le prof d'arts plastiques d'un air vide. Déjà qu'en règle générale, les cours lui passaient un peu au-dessus, là... Elle n'avait pas réellement écouté un mot de toute la matinée. 4 minutes. Elle jeta un rapide coup d'œil aux autres élèves. La plupart étaient, comme elle, à demi avachis sur leurs pupitres et attendaient que ça se passe. La Neero n'était pas là aujourd'hui. 3 minutes. Lucid avait promis de venir la chercher. Elle eut un demi sourire. Ça, malgré l'agacement que lui procurait la fait de se voir considérer comme incapable de se défendre, ça valait toujours le coup. Malgré la haine qu'il vouait aux humains et qu'il exsudait sans complexes, le jeune Sodel avait une cote d'enfer auprès des minettes du lycée, toutes classes et sections confondues. Et tous genres aussi, de la punkette gothique à la BCBG pur jus. 2 minutes. C'était toujours un grand moment de le voir attendre, tel la statue du Commandeur, entouré à bonne distance de filles faisant la roue dans l'espoir d'être repérées. Quel besoin avaient elles de se signaler à un prédateur ? Elles devaient bien le ressentir, quand même ? Ou bien, elles étaient dénuées de sens commun... ou bien elles étaient tarées.1 minute. Elle commença à ranger plus ou moins discrètement ses affaires. Il valait mieux ne pas faire attendre son compagnon quand il était entouré d'humains : ça risquait de mal finir. La dernière fois, une des admiratrices du Sodel avait tenté de lui parler, à elle, et Lucid avait cru qu'elle l'agressait... Héloïse eut un petit rire. Celle là au moins tiendrait ses distances !

Sonnerie.

La jeune fille blonde termina fissa de ranger ses affaires dans son sac et se prépara à filer, quand la voix de leur professeur l'interrompit.

- Mademoiselle l'Abbé ?

Et merde...

- Oui, monsieur ?

- Je vous trouve un peu... distraite en ce moment. Tout va bien, avec votre... tuteur ?

Pour pouvoir inscrire Hell dans ce lycée, les Sodell avait été obligés de faire en sorte que Lucid soit considéré comme sa « personne référente ». Quelques professeurs avaient été... choqués que ce soit le petit ami d'une élève qui détienne l'autorité sur elle, et le professeur d'art avait été de ceux là. Depuis que Lucid venait tous les jours la chercher, il semblait penser que la jeune homme la maintenait captive, ou un truc du même genre. D'autant que comme elle arborait aussi parfois des ecchymoses visibles... La blonde poussa un soupir las : il pensait pas à mal, ce type. Mais il était d'un lourd...

- Oui monsieur. Il n'y a pas de problèmes avec Lucid. … Je peux y aller ?

Malgré un air peu convaincu, l'homme lui fit signe d'y aller.

- Oh, mademoiselle ? Si un jour ça ne va pas, vous pourrez venir m'en parler.

- Bien sûr monsieur. Mais bien sûr, crois-y ! Au revoir !

Et sans plus attendre, la jeune fille sortit de la pièce et dévala les escaliers pour rejoindre son compagnon.

Il était finalement arrivé sur les lieux du rendez-vous tacite, une rencontre quotidienne qui avait lieu à chaque fois que la jeune femme sortait des cours et ce depuis qu’elle lui avait annoncé sa future paternité. Il était protecteur en temps normal, mais ça avait dépassé toutes les habitudes lorsqu’elle lui avait annoncé ce fait qui risquait de faire apparaître nombre de changements. En effet, c’était là le premier pas pour monter une meute forte et vouée à la prospérité… Il fallait aussi se faire une place dans l’endroit et mettre en échec les tentatives de prise de contrôle que pourraient avoir en tête certaines personnes, mais ça n’était pas encore d’actualité de toute évidence. Le jeune homme se déplaça avec d’autant plus de rapidité lorsque la cacophonie d’un embouteillage du à un accident le menaça. Non content de conduire des engins aussi dangereux pour leur propre vie que pour la planète, les humains se chargeaient même de rendre lesdites machines plus bruyantes que le tonnerre et la foudre. Voilà qui mettrait à mal la patience de n’importe quelle Sodel et il savait qu’il n’avait pas de temps à perdre dans une boucherie vaine et dangereuse dans les rues de Saint Bel. Arrivé bientôt aux abords du lycée Saint Auguste, il s’arrêta et laissa son regard se perdre dans le petit amas de personnes déjà présentes devant le portail. Rien qu’au nez il savait que sa chère n’était pas encore sortie. Une belle qui faisait bien des émules dans les parages, en effet, les humains, qui sans aucun doute ne pouvaient s’empêcher de sentir l’animal qui se cachait en elle, n’avaient pas vraiment pour ambition de la laisser aux mains de ce qu’ils pensaient être un bourreau. Aussi ce jour-ci se retrouva-t-il face à un comité d’accueil.

"Hey, connard ?" Lança un petit blondinet au doberman qui lui lança un regard en coin sans oser penser que le type lui parler. "Oui, c’est bien à toi que je parle !" Cette fois-ci le Sodel pivota sur ses appuis, son bassin bien en face de celui de l’humain. Ses sourcils étaient froncés, ses dents découvertes, son expression figée dans une haine palpable.

"Regarde, on dirait un chien !" Repris un lycéen bedonnant, la clope au bec.

"Si tu savais…" Lâcha Lucid entre ses dents. L’humain s’essaya à dire un bon mot mais avant qu’il n’en ait eu le temps la main de l’homme-bête était passé par là. La cigarette prisonnière du pouce et de l’annulaire tandis qu’il écrasait l’arrête du nez avec son index et son majeur. Le sang se mit à couler à flot, tâchant légèrement le filtre avant que celui-ci n’arrive entre les lèvres du Sodel qui tira une taffe, découvrant pour la première fois le goût du tabac mêlé à celui du sang. Quant à l’odeur, et bien il sentait une renarde approcher.

Héloïse marchait vite vers la sortie du lycée. Lucid devait déjà être là, et elle espérait vraiment que tout se passait bien; Elle n'avait pas vocation à commencer la semaine à séparer Lucid d'un éventuel adversaire.

- Pssssst !

La jeune fille tourna vivement la tête de côté. Un des filles de sa classe lui faisait signe de la main, lui demandant clairement de venir. Héloïse envisagea un instant de l'ignorer, mais l'air nerveux de sa condisciple la fit changer d'avis. C'est néanmoins sur un ton plutôt rogue qu'elle engagea la conversation :

- Quoi ?
- C'est pour te dire qu'il y a des... garçons de la classe...
- … Ouiiii ?
- Ils disent que ton type te frappe.
- Eeeeeet ?
- Et ils disent que c'est pas tolérable...
- Heu, oui, c'est très gentil, mais je ne vois pas...
- … et ils l'attendent au portail pour le tabasser, en ce moment.
- … en quoi ça les... QUOI ?!? Mais quels cons !

Héloïse laissa tomber son sac à terre, et se mit à courir vers le portail en utilisant au mieux toutes ses capacités physiques, évitant avec adresse les élèves présents sur son passage. Merdemerdemerde... Si ces jeunes crétins énervent Lucid, il restera rien d'eux, pas même un bout d'os.
La renarde arriva au moment où Lucid prenait une grande bouffée de nicotine de la cigarette piquée à son propriétaire. Elle ralentit immédiatement le pas pour faire style « je me suis même pas inquiétée » et, arrivant aux côtés de Lucid, passa un bras autour de la taille mince du jeune homme, et de l'autre main retira la cigarette de ses lèvres avant de la jeter au sol et de l'écraser.

- Salut mon cœur. Pas de souci j'espère...

L’humain c’était vivement reculé suite à l’attaque, portant ses mains à son nez aussi vite qu’il le put, le sang qui avait déjà commencé à entacher son visage se mit soudain à couler jusqu’au creux de ses paumes, comme s’il était voué à être déversé jusqu’à sa dernière goutte. De petits gémissements s’échappaient de ses lèvres alors qu’il tentait de combattre la douleur, la vue brouillée par la souffrance d’avoir l’arrête brisée. De fait, son appendice nasal présentait désormais un angle pour le moins incongru. Satisfait du spectacle, Lucid observa dès alors les comparses de ce triste clown, lesquels étaient totalement horrifiés par la démonstration de force de leur aîné. Alors, le Sodell sentit sa belle arrivait et passa un bras autour de ses épaules alors qu’elle passait l’un des siens autour de sa taille. Elle se saisit alors de la cigarette sur laquelle il venait de tirer une longue taffe pour le moins savoureuse et l’écrasa. Puis elle l’interrogea. Le doberman afficha alors un petit sourire carnassier et souffla sa fumée au visage du lycéen au nez brisé.

"Pas le moindre problème…"

Il se pencha alors tranquillement sur le côté et l’embrassa délicatement, effleurant à peine ses lèvres avant de doucement mêler leurs souffles en une caresse. Il aimait prouver à la jeune demoiselle qu’il arrivait à garder le contrôle lorsqu’il laissait un peu libre cours à ses instincts. S’il s’était retenu d’agir à l’instant présent, sans doute aurait-il été trop frustré pour agir avec autant de délicatesse. Le Sodel plaça bientôt l’une de ses mains sur le ventre de sa jeune compagne, comme pour lui signifier toute la force qu’il mettait dans sa volonté de la protéger, elle, la mère de ses enfants, son amour. Il ferait autant d’effort que possible pour arriver à assurer la prospérité à la meute qu’il venait de former, il en faisait intérieurement le serment depuis qu’il avait compris ce qu’Héloïse représentait à ses yeux. Quittant ses lèvres avec un soupçon de regret, il commença à s’éloigner du lycée sans un seul regard pour ceux qui avaient crus pouvoir être ses adversaires.

Ainsi, le couple s’éloigna peu à peu de l’enceinte du lycée, s’enfonçant dans les ruelles escarpées de Saint Bel plutôt que dans ses artères les plus peuplées afin d’éviter des évènements aussi hypothétiques que malencontreux. Ni l’un, ni l’autre ne virent leur instinct les alerter de ce qui allait arriver et, alors qu’ils étaient encore dans le souci de leur banalité, les deux Sodell se virent brusquement attaqués. Une fine lame de dix centimètres de longs s’envola dans les airs et atterrit sans le moindre encombre à l’intérieur de l’épaule de Lucid qui ne vit la douleur apparaître qu’après l’odeur du sang… A quelques centimètres près c’était une blessure bien plus grave, intra-claviculaire, qui l’attendait. Il avait eu de la chance dans son malheur à n’en pas douter.

L'odeur du sang agressa les sens de la renarde et, quasi simultanément, elle sentit Lucid tressaillir. Tournant la tête vers lui, elle vit avec stupéfaction le manche d'un couteau dépasser de l'épaule de son compagnon. Elle fit un bond de côté, pour éviter que leurs corps regroupés ne forment une cible plus facile, et regarda autour d'eux afin de tenter de repérer leurs agresseurs, puis renifla l'air pour la même raison.
Ne sachant pas d'où émanait l'attaque ni le nombre exact des agresseurs, elle se rencogna sous le porche d'une maison.

Lucid déchira l’air d’un hurlement bestial où l’on percevait toute la douleur inhérente à la blessure qu’il venait de recevoir. Il tituba sur le côté alors que sa compagne s’éloignait de lui rapidement. Il n’avait pas la moindre idée de la raison pour laquelle il n’avait pas vu son artère sectionnée par le projectile, deux choix s’offraient à la situation : soit on l’avait loupé, soit on avait juste tenté de le blesser. Il ne fallait pas laisser le temps à son adversaire de reprendre les assauts directement, et il n’arrivait pas à le trouver. Afin de s’offrir plus de chances de réussir, il changea de forme, procédant à sa métamorphose sans retirer l’arme de son épaule afin de limiter les saignements comme il avait vu le faire bien souvent des gens à Loonart. De toute évidence, ici aussi sa présence n’était pas souhaitée. Mais ça ne pouvait venir d’un Sodel. Déjà il n’en avait pas vu d’autres qu’eux depuis qu’il était arrivé à Saint Bel, de plus ce n’était pas vraiment la méthode qu’aurait employé un dominant. Il l’aurait saisi au corps-à-corps et par une démonstration de force se serait imposé comme étant supérieur afin de le faire fuir ou de le tuer s’il n’avait pas décidé de s’exiler de façon "pacifique". Le doberman leva les yeux, tentant de trouver qui avait osé l’assaillir de cette façon, oubliant définitivement de penser pour ne faire qu’agir. Il fallait être efficace, il fallait tuer ! Son monde se perdit dans la folie du meurtre.

Alors que les deux jeunes gens s’écartaient l’un de l’autre et que Lucid prenait forme animal, une nouvelle attaque eu lieu, cette fois dirigée vers les flancs de l’animal de taille anormal qu’était devenu le Sodel. La lame ne se ficha pas dans la chair mais l’entailla largement provoquant une vive douleur au doberman… Celui-ci arriva à repérer d'où provenait l'attaque : un escalier de secours attaché à un immeuble, au second étage.

Héloïse vit Lucid se transformer en un seul mouvement, puis à nouveau être la cible d'une attaque : un nouveau couteau le frôla, lui entaillant profondément le flanc. Le jeune femme se mit à gronder à la vue de la nouvelle blessure affectant son compagnon. Celui ou ceux qui lui avaient fait ça devraient payer, c'était une certitude. Le sang battait à ses tempes selon un tempo très rapide. Qu'arriverait-il si son compagnon était blessé grièvement, ou... pire ? Même si les couteaux n'avaient à présent pas fait de gros dégâts au doberman, qu'en serait-il du ou des suivants ? Et la maladresse de leur agresseur était elle feinte, ou réelle ? Elle tendit son sens de l'odorat à l'extrême pour passer outre les odeurs de sang et de colère émanant d'eux même pour tenter de percevoir celle de leur agresseur. Cela pouvait être utile pour le débusquer.

Elle avait à peu près vu de quel coin venait le lancer de couteau et attendit de voir par où Lucid s'y rendrait. Elle tenterait alors de prendre l'agresseur à revers. Et tant pis pour lui quand les deux Sodell l'atteindraient.

Lucid ne se donna pas le temps de réfléchir alors que cette fois-ci il arrivait à voir de quel côté provenait l’attaque. Il pivota sur le côté, faisant fi de la douleur qui renforcer le grondement sourd qui sortait de sa gorge. Il s’élança de toute la force dont il disposait en direction de l’escalier de secours, conscient que sa forme n’était pas la plus appropriée à l’escalade il pouvait cependant espérer atteindre son agresseur à l’aide de sa faculté à bondir. C’est donc à toute allure qu’il s’élança de la bataille, bien décidé à mettre à mal son agresseur avant que celui-ci ne risque de blesser sa chère et tendre… Il n’y avait rien en lui qui se demandait ce pourquoi on les attaquer, il n’y avait pas le moindre doute, pas la moindre interrogation. Il était au-delà de ces considérations, dans un monde où seul la vie et l’espoir comptaient, dans un lieu où seule sa faculté à survivre et à défendre sa meute avait une place. Il n’était plus en train de vivre, c’était au-dessous de ça, à un stade animal, quasi-existentielle. Il s’agissait de rester là, de continuer à exister, à être. Pour elle, pour leur enfant. Sa vision se réduisait à la perspective de tuer son adversaire, la mort, seul moyen de préserver sa descendance, était devenue comme une divinité.

Le doberman, alors qu’il s’élançait vers l’escalier de secours remarqua bien vite la nature de son agresseur : un Balphom. Il n’y avait aucun doute là-dessus, à voir la façon dont celui-ci arriver à estomper sa présence dans la lumière comme s’il s’agissait de l’obscurité. On lança un nouveau couteau, cette fois-ci encore moins efficace que les précédents, sans doute du au fait que le jeune homme ait été plus réactif sous forme animale et apte à voir son adversaire… Il l’avait presque atteint lorsque soudain quelqu’un d’autre fit son apparition en scène. Une jeune fille s’approcha tranquillement d’Héloïse, le teint pâle, les yeux clairs elle tenait dans la main une longue cordelette tressée de fils de nylon auxquels étaient accrochés des poids. Dès qu’elle eût lâché l’objet, celui-ci agit de lui-même et vint étreindre la jeune Sodel, l’enchevêtrant dans une succession de boucles.

- Hey !

Héloïse était tellement absorbée dans la recherche de l'agresseur de Lucid qu'elle n'avait pas pensé à en chercher un autre... Pas pensé du tout en fait. Elle se retourna vivement dans la direction d'où venait les espèces de... bolas qui l'enserraient et avaient manqué la faire tomber. Elle n'eut pas de mal à repérer la jeune fille qui avait visiblement lancé ces trucs, celle-ci ne se cachant absolument pas.
Il n'y aurait pas eu l'agression envers Lucid, Héloïse aurait peut être pu ne pas réagir de manière -aussi- agressive... mais là, elle était au delà d'elle même. Le souci était que, bien que l'arme avait plus ou moins épargné ses jambes, elle était quand même bien saucissonnée par les cordes... et qu'elle était donc à la limite de l'inutilité dans un combat. Cette constatation augmenta sa colère un peu plus, et se bras se tordirent dans les cordes, s'y blessant par endroits.

Un grondement sourd se finissant en un cri de rage échappa à la jeune fille, et elle se précipita vers son adversaire, dans la but de la bousculer avec tout son corps puisqu'aucune autre possibilité ne lui venait à l'esprit. Si elle réussissait à la projeter au sol... Eh bien, sa bouche n'était pas entravée, n'est-ce pas ? Son visage se tordit dans un sourire mauvais.

Lucid y était presque, il touchait au but, déjà il arrivait à repérer le lanceur de couteau, un couard de Balphom, cette race avait quelques membres d’acceptables mais la plupart des congénères de ceux-ci étaient de véritables lâches. Capable de se cacher jusque dans la lueur du jour, jusque dans la clarté du Zénith ils étaient les princes du faux semblant. Des assassins, des êtres qui tués de façon contre nature, non par la volonté d’être des guerriers mais bien des meurtriers. L’adolescent s’élança de tout son poids, rendu fou par la petite exclamation qu’il avait reconnu comme étant celle de sa compagne. Etait-elle en danger ? Il ne pouvait le savoir, ne pouvait se permettre de détourner les yeux de sa cible. Non, pour le moment il devait abattre la menace. Tout n’était que sang et entrailles, il ne voyait plus qu’une chose : la mort, il ne resterait qu’une charogne de cet être qui avait tenté de mettre fin à leur vie. Une carcasse choyée par les asticots et les corbeaux. Il allait l’éventrer, le dépecer ! Bondissant avec vigueur, il tenta de saisir la gorge de son adversaire entre ses crocs, incapable de penser.

Le Balphom perdit de son sang froid alors que le Sodel s’avérait plus proche qu’il ne l’aurait jamais cru… De toute évidence il était loin de s’attendre à ce que ce dernier dispose d’une telle vivacité et d’une telle volonté de combattre. A n’en pas douter, l’assassin n’avait jamais eu à faire à la race des hommes-bêtes. Alors que Lucid s’élançait dans sa direction, le jeune homme fit un rapide mouvement en arrière, tentant de fuir le doberman. Il bascula sur la rambarde et atterrit sur le sol dans un craquement sinistre, ses jambes de toute évidence brisées par l’impact. Héloïse quant à elle se trouva bloquée dans sa tentative, quasiment soulevée du sol par la force dont se vit soudain emprunte la cordelette aux poids métalliques.

Le souffle coupé par la soudaine traction des cordes, la Sodel ne put que jeter un regard furieux à son adversaire. Elle n'avait jusqu'alors presque jamais eu à se battre pour protéger sa vie, et c'était à chaque fois une surprise... désagréable.

La renarde était en train de réfléchir à un autre plan d'attaque, quand le bruit mat d'un corps s'écrasant au sol la fait sursauter. Du coin de l'oeil, elle vit qu'il s'agissait d'un type inconnu, et que visiblement, il ne pourrait se relever tout de suite, si on se fiait aux angles bizarres que faisaient ses jambes.

Partant du principe que c'était de toutes façons l'adversaire de Lucid, Héloïse reporta son attention sur la sienne. La chute de son partenaire l'avait-elle ébranlée ? Serait-il possible d'utiliser ceci à son avantage ? La renarde regarda l'arme qui l'enserrait. Qui pouvait utiliser ceci, et la bloquer à distance ? A sa connaissance, seuls les Neeroo possédaient ce type de dons... ou bien elle n'avait pas compris comment marchait ce truc.

Lucid laissa place à toute sa fureur, sautant depuis la balustrade jusque sur le sol, où se trouvait à présent son adversaire. Il avait pour but d’atterrir sur le torse de sa victime, histoire de l’achever d’un coup de croc dès que sa gorge serait à porter, il haïssait plus que tous les lâches qui tentaient de tuer sans même véritablement combattre et qui – une fois le combat arrivé au corps-à-corps – perdaient leurs moyens. Attaquant avec toute la bestialité inhérente à sa condition du Sodel, il voulait le tuer, détruire à jamais cet espèce d’assassin sans le moindre honneur.

La jeune fille qui agissait toujours sur la cordelette resserra sa prise alors qu’elle voyait son acolyte tombé au sol, hurlant de douleur sous le fracas de ses jambes. Le Balphom tenta de se retirer en usant de ses bras alors qu’il croisait le regard haineux du doberman en contrehaut. Un peu de sang s’échappa de sa bouche lorsque le chien tomba sur son torse avant de l’égorger d’un coup de mâchoire, le liquide vital se mit alors à se déverser à gros flot sur le sol. Immédiatement la Sonacem leva la main, ajoutant une boucle à l’agglomérat de nylon et d’acier qui enchevêtrait Héloïse, commençant à étrangler celle-ci.

Héloïse émit un gémissement angoissé en sentant la corde s'enrouler autour de son cou tel un serpent, et serrer. Dans un sursaut d'énergie et de terreur, elle réussit à dégager un de ses avant-bras des liens qui l'enserraient, et à passer sa main entre la corde et sa gorge, se griffant profondément au passage. La seule chose qu'elle pouvait espérer dans ce cas de figure, c'était ralentir la constriction de ses carotides, afin d'éviter l'évanouissement, et ce jusqu'à ce que Lucid s'occupe de la jeune femme qui contrôlait la corde.
En y réfléchissant d'ailleurs, si il pouvait avoir la gentillesse de l'ouvrir en deux, ce serait pas mal...
Pour l'instant les cordes qui entouraient le ventre d'Héloïse n'étaient que contraignantes et non douloureuses, mais... si elles se mettaient elles aussi à se resserrer, à partir de quand cela deviendrait-il dangereux pour l'enfant qu'elle portait ?